Présentation :
La propriété est située sur la commune de Pauillac à proximité de Château Mouton-Rothschild.
Le vignoble d'à peu près 112 hectares (80 % Cabernet-sauvignon, 20 % Merlot, 5 % Cabernet franc, 5 % Petit verdot) est disposé sur un sol de graves sur socle marno-calcaire, altitude maximale 27 mètres.
Une parcelle du château Lafite-Rothschild, d'une taille d'environ 4,5 ha, appelée Blanquet est située au nord de la propriété dans l'appellation Saint-Estèphe. Elle a obtenue une dérogation en 1868 pour être assemblée au reste du vignoble car elle appartient depuis plusieurs siècles au château.
Le nom originel de la propriété est La Fite (la frontière en gascon).
Histoire :
On ne connaît pas la date de création de la seigneurie de Lafite, mais on trouve trace en 1234 d'un Gombaud de Lafite abbé de l'abbaye Saint-Pierre de Vertheuil située au nord-ouest de la commune de Pauillac.
Dans plusieurs ouvrages il est également indiqué qu'un titre en date du 8 mars 1355 parle d'un Jean de Lafite, donzet ou damoiseau, de la paroisse de Pauillac.
Le 5 décembre 1485, Berniquet de Becoyran (ou de Bouqueyran) seigneur de Lafite est désigné comme un des exécuteurs testamentaires de Jean de Foix, comte de Candale.
Au 15ème siècle, la maison noble de Lafite possède une superficie de 110 hectares, elle produit essentiellement du blé et du vin. Le vignoble occupe alors une superficie d'environ 50 hectares et est la première source de revenu du domaine.
Le 23 avril 1558, Jacques de Bécoiran, écuyer et seigneur des maisons nobles de Lafite et de Coirac, vendait et affermait à Simon de la Bégorce les agrières (droit payable en nature consistant à prélever une partie de la récolte) des blés et des vins dus à la maison noble de Lafite dans les lieux de Milon, Loubeyres, Anseillan et autres en Pauillac. A cette époque, la vigne n'est pas la production principale de la seigneurie.
En 1653, la seigneurie de Lafite appartient à Joseph Saubat de Pommiers, baron du Breuil (?-1670).
Le 27 septembre ou le 7 octobre 1670, Jeanne de Gascq (?-1704), veuve de Joseph Saubat de Pommiers et sœur de Blaise de Gascq, baron de Portets, apporte le domaine de Lafite à son second époux, Jacques de Ségur des Francs (?-1691), baron de Belfort.
Le domaine viticole fut sans doute véritablement créé à cette époque entre 1670 et 1680 par Jacques de Ségur des Francs (terrier de 1680 indiquant de récentes plantations), à la même époque le château Haut-Brion appartenant à la famille De Pontac développe également son vignoble.
Leur fils Alexandre de Ségur des Francs (1674-1716) en héritera et, en 1695, Alexandre de Ségur des Francs, épousera Marie-Thérèse de Clauzel, héritière de château Latour. Durant cette époque, le vignoble continue de s'agrandir.
En 1706, les noms de Lafite et Latour apparaissent pour la première fois sur les registres de ventes de marchands britanniques.
A partir de 1716, après la mort d'Alexandre de Ségur des Francs, par héritage, Nicolas-Alexandre de Ségur des Francs (1697-1755), président à mortier au Parlement de Bordeaux sera à la tête des deux domaines et sera surnommé le Prince des vignes. Celui-ci continuera à augmenter la superficie du vignoble.
En 1728, le cuvier de château Lafite est reconstruit et agrandi.
En 1732, Nicolas-Alexandre de Ségur rachète la seigneurie de Pauillac à Monsieur Étienne-François de Brassier (1685-1740), conseiller au Parlement de Bordeaux, propriétaire de château Beychevelle dans le but d'agrandir son vignoble et ce malgré l'interdiction de planter de nouveaux vignobles (arrêté du 27 février 1725 interdisant toute nouvelle plantation de vigne pour éviter la surproduction).
Le domaine atteint alors une superficie de 110 hectares et le vignoble 53 hectares. Il est alors géré par le notaire de Pauillac, Souisse, en même temps que celui de Latour et les vins des deux domaines sont vendus au même prix.
En 1755, Marc-Antoine Domenger (?-1797) devient le régisseur du domaine. La même année, suite à la mort de Nicolas-Alexandre de Ségur, ses héritiers sont quatre filles :
- Marie-Thérèse (1723-1759) épouse depuis 1742 d'Alexandre de Ségur-Calon (1718-1773), conseiller lay au parlement de Bordeaux à compter du 19 juillet 1737 puis prévôt de Paris.
- Angélique-Louise (1730-1781) épouse de Guillaume Charles Emery Texier de Maisoncel.
- Marie-Antoinette (1735-1774) épouse de Nicolas Thomas Hue de Miromesnil (1728-1798), comte de Miromesnil.
- Charlotte-Emilie (1724-1791) épouse d'Emmanuel Louis (1704-1791), comte de Coëtlogon.
En 1759, le vignoble atteint la taille de 38 hectares.
En 1763, le fils de Marie-Thérèse de Ségur, le comte Marie-Nicolas Alexandre de Ségur (1745-1790), petit fils de Nicolas-Alexandre de Ségur, héritera du domaine de Lafite par donation, les trois sœurs de Marie-Thérèse se partageant le château Latour alors estimé pour la somme de 520000 livres.
Jusqu'à la majorité de Nicolas-Marie Alexandre de Ségur, le domaine sera administré par son père Alexandre de Ségur des Francs.
A partir de 1774 et jusqu'en 1785, le régisseur du domaine, Marc-Antoine Domenger, va exercer en même temps ses talents au château Latour. Il créera en 1776, le domaine de Marbuzet à Saint-Estèphe.
En 1776, la nomenclature des domaines de la Guyenne à l'attention de Dupré de Saint-Maur intendant général classe Lafite au premier rang de la commune de Pauillac avec un prix de vente au tonneau de 1200 à 1300 livres.
En 1784, le comte Marie-Nicolas Alexandre de Ségur après avoir émigré aux Pays-Bas (où il décédera en 1790) pour échapper à ses créanciers devra mettre en vente le domaine pour payer ses dettes.
Le 9 novembre 1784, Monsieur de Monthieu, secrétaire du roi, achète le domaine pour la somme de 960000 livres (1012000 livres avec les frais).
En 1786, Nicolas-Pierre de Pichard, président à mortier du Parlement de Bordeaux et cousin éloigné du comte Marie-Nicolas Alexandre de Ségur rachète le domaine pour la même somme en exerçant le droit de retrait lignager (droit accordé aux parents, au sens de membres de la famille élargie, de reprendre à un acquéreur un bien vendu d'un héritage propre en lui remboursant le prix d'achat et les frais).
Le château restera dans la famille de Ségur jusqu'en 1794, année de la décapitation de Nicolas-Pierre de Pichard, premier président au Parlement de Bordeaux. La propriété est alors saisie comme Bien national. La superficie du domaine est alors de 108 hectares pour un vignoble de 49 hectares.
Une première vente aux enchères du domaine est organisé et l'acheteur est un dénommé Rozier, négociant en vins à Paris pour la somme de 2358444 livres. Cette vente fut annulée.
Le 12 septembre 1797, le château Lafite est vendu à Jean de Witt, ministre de la république batave à Paris, pour la somme de 2003000 francs.
Celui-ci nommera Joseph Goudal (1758-?) associé principal de la société de négoce Goudal, Lafourcade & Coy et propriétaire d'un domaine viticole situé à proximité du château Haut-Brion, régisseur du domaine.
Le 4 décembre 1800, Jean de Witt revend la propriété pour la somme de 1286606 F25 à un syndicat de négociants néerlandais (Baron Jean Arend de Vos Van Steenvwyck, Jean Goll de Franckenstein et Othon Guillaume Jean Berg).
En 1814, la société de négoce Blackenbury et Cie de Liverpool, achète , par l'intermédiaire de son courtier Arnaud-Félix Miailhe (1789-1867), la récolte du domaine au prix de 3000 francs le tonneau ((1200 bouteilles). Prix le plus élevé pour le millésime, contre 2600 francs le tonneau pour les châteaux Latour et Margaux.
En 1816, le domaine est racheté par Ignace-Joseph Vanlerberghe pour 1200000 F. Cette même année, le régisseur Baptiste (dit Pierre) Mondon (1777-1816), qui possède le domaine voisin d'Anseillan décède.
En 1818, par un tour de passe-passe « fiscal », le château sera racheté par Mademoiselle Rosalie Lemaire pour 1000000 F et revendu en 1821 à Monsieur Scott pour la même somme.
En réalité, la famille Vanlerberghe en restera propriétaire. Ce tour de passe-passe est du à l'abolition du droit de primogéniture par Napoléon et avait pour but de permettre à Aimé-Eugène Vanlerberghe de conserver la propriété sans avoir à la partager avec ses trois sœurs.
Entre 1800 et 1830, la totalité du vignoble sera planté en cépages « nobles » (Cabernet, Malbec, Syrah, Verdot, le Merlot n'étant planté que vers 1850).
En 1822, l'important gel durant le mois d'avril va provoquer la perte d'environ le quart de la production du millésime (50 % pour le château Margaux).
En 1834, Monplaisir Goudal (?-1863) succède à son père comme régisseur du domaine.
En mars 1844, Madame Darmailhacq, épouse séparée de biens de Monsieur Joseph Odet-d'Armailhacq aîné, rachète le château Mouton d'Armailhacq pour la somme de 398000 francs hors frais. Afin de payer cette somme, elle va vendre au propriétaire du château Lafite les 10 hectares du vignoble du plateau des Carruades qu'elle possède pour la somme de 96000 francs.
En 1847, le château Lafite procède à une mise en bouteille au château.
En décembre 1863, après le décès de Monplaisir Goudal, son fils Émile lui succède comme régisseur de la propriété.
Après le décès en 1866 de Aimé-Eugène Vanlerberghe, sans descendance, ces trois sœurs héritent du domaine.
Le 21 juin 1868, le tribunal civil de la Seine adjuge au baron James de Rothschild (1792-1868), cousin de Nathaniel de Rothschild qui avait racheté Mouton en 1853, pour la somme de 4400000 francs le château Lafite. L'enchère se décompose ainsi : 4140000 francs pour la propriété, 300000 francs pour les Carruades et 400000 francs pour l'achat du stock et le paiement des taxes soit environ 60000 francs l'hectare.
La propriété possède alors une superficie de 135 hectares avec un vignoble de 74 hectares.
James de Rothschild ne profitera pas longtemps de son nouvel achat puisqu'il décède 4 mois après.
En 1869, toute la production du domaine est achetée par le négociant Jules Clavelle et intégralement mise en bouteilles au château pour la première fois.
Le 20 février 1878 la marque commerciale château Lafite est déposée devant le tribunal de la Seine.
De 1885 à 1906, il n’y aura aucun embouteillage au château Lafite-Rotschild.
En 1900, Louis Mortier (1835-1920), alors propriétaire du château Gombaud à Saint-André de Cubzac, président de la Société d'agriculture de la Gironde et négociant en vins depuis 1889 devient le directeur du domaine.
En mai 1907, un contrat d'abonnement est conclu, par les courtiers S. Damade et P. Moreau, entre le domaine et les maisons de négoce bordelaises J. Lebègue et Rosenheim & fils pour les millésimes de 1907 à 1911. Ce contrat fut prolongé pour les millésimes allant de 1912 à 1916 avec le négociant Rosenheim & fils.
Le 11 mars 1909 , la marque commerciale château Lafite-Rotschild est renouvelée aux greffes du tribunal de la Seine.
En 1910, la qualité de la production est tellement faible que le vin n'est pas commercialisé sous l'étampe du château.
Le 18 juillet 1917, un nouvel abonnement, aux mêmes conditions que le château Latour et le château Margaux, est conclu pour cinq millésimes supplémentaires avec cinq maisons de négoce : Barton & Guestier, J. Calvet, Eschenauer, Journu & Kappelhoff et Schröder & Schyler.
En 1920, suite au décès de Louis Mortier, c'est son fils Jean Jules Mortier (1868-1947) qui devient le régisseur du domaine.
En 1925, la totalité des vins produits sont mis en bouteille à la propriété, un an après les châteaux Margaux et Mouton-Rothschild.
Le millésime 1928 est pasteurisé. Ce sera le seul du domaine jusqu'à maintenant.
Le millésime 1932 est vendu sous l'appellation Pauillac.
En septembre 1940, l'état français met sous séquestre le domaine, il sera administré par le Secours National puis à compter de 1943 par l'Administration provisoire des Domaines, et le transforme en école d'agriculture en avril 1942.
Durant l'été 1946, le domaine est, effectivement, restitué à la famille de Rotschild et Élie de Rothschild (1917-2007) prend la direction du château.
Élie de Rothschild va engager la rénovation du vignoble et moderniser les chais.
En 1955, André Portet devient régisseur du domaine.
En 1962, le château Duhart-Milon est racheté.
En 1967, la superficie du vignoble est de 78 hectares.
En 1970, suite au rachat du château Clerc-Milon par le Baron Philippe de Rothschild (1902-1988), propriétaire du château Mouton-Rothschild, le château Anseillan est racheté par Élie de Rothschild pour la somme de 800000 francs.
En 1974, Éric de Rothschild (1940-?), possesseur de 20 % des Domaines Rothschild, succède à son oncle à la tête du domaine.
En 1975, Christophe Salin devient le responsable technique du domaine et le professeur Emile Peynaud intervient comme œnologue conseil du domaine.
De 1977 à 1989, Yves Le Canu (1925-1994) est le directeur général des Domaines Rothschild.
En 1984, les Domaines Rothschild (château Lafite-Rothschild) prennent une participation majoritaire en association avec la banque Paribas et le financier Albert Frères dans le château Rieussec.
En 1986, l’architecte Ricardo Bofill (1939-2022) réalise un nouveau chai souterrain d'une superficie de 4000 m². Particularité, celui-ci possède une structure octogonale autour de deux cercles concentriques de 16 colonnes. Les travaux sont achevés en 1988.
En 1990, une tonnellerie est installée sur le domaine. Sa production est destinée à l'ensemble des propriétés des Domaines Rothschild.
En 1994, le domaine, tout comme les autres domaines bordelais du groupe (Château Duhart-Milon, Château L'Évangile, Château Paradis Casseuil, Château Peyre-Lebade Benjamin de Rothschild et Château Rieussec) passe sous la responsabilité technique de Charles Chevallier qui succède à Gilbert Rokvam. Celui-ci était auparavant au château Rieussec depuis 1985, Christophe Salin étant devenu directeur général des Domaines Barons de Rothschild.
L’œnologue du domaine est Christophe Congé.
En 2003, la superficie du vignoble est de 103 hectares.
En janvier 2016, Charles Chevallier quitte la direction du domaine pour devenir conseiller des Domaines Rothschild et est remplacé par Eric Kohler qui prend la direction de tous les domaines bordelais des Domaines Barons de Rothschild.
En janvier 2018, Jean-Guillaume Prats, directeur du château Cos d’Estournel de 1998 à janvier 2013 et depuis directeur de Estates & Wines, la division vin de LVMH, prend la direction générale des domaines Barons de Rothschild à la place de Christophe Salin.
En avril 2018, Saskia de Rothschild (1987- ) devient présidente des Domaines Barons de Rothschild à la place de son père Éric de Rothschild (1940- ).
En 2021, Jean-Guillaume Prats quitte la direction générale des Domaines Barons de Rothschild (pour les Domaines Delon, château Léoville Las Cases), Saskia de Rothschild cumule la présidence et la direction générale du Château Lafite Rothschild.
En 2022 débute la commercialisation d’un vin nommé Anseillan (millésime 2018) issu du lieu-dit situé au sud du chenal du Lazaret.
En janvier 2024 est annoncé le rachat du domaine William Fèvre et son vignoble de 70 hectares par les Domaines Barons de Rothschild Lafite au groupe Artémis Domaines (Château Latour).
En mars 2024 débute les travaux d’une nouvelle cuverie avec une réorganisation de tous les bâtiments techniques.
Les vins :
Densité moyenne de plantation : 7000 pieds à 8500 pieds à l'hectare.
Vendanges manuelles.
Rendement moyen : 48 hL/ha.
Encépagement : Cabernet-sauvignon, Merlot, Cabernet franc, Petit verdot.
Le domaine possède sa propre tonnellerie.
Rouge :
Densité moyenne de plantation : 8500 pieds à l'hectare.
Rendement moyen : 48 hL/ha.
Élevage de 18 mois en fût de chêne (100 % neuf).
Pas de millésime 1932, il est vendu sous l'appellation Pauillac.
Le millésime 2018 voit son étiquette modifiée (ajout d’une montgolfière) pour célébrer les 150 années de l’achat du domaine par le baron James de Rothschild.
Rouge :
Le second vin du domaine porte le nom de : Carruades de Lafite.
Existe depuis le millésime 1985.
Le second vin est essentiellement issu du plateau des Carruades (quatre parcelles, deux de merlot, deux de cabernet-sauvignon, achetées en 1844 par Vanlerberghe) situé à l'ouest de la propriété et du vin issu des vignes de moins de 10 ans (20 hectares) qui ne rentrent pas dans le grand vin.
Densité moyenne de plantation : 8500 pieds à l'hectare.
Antérieurement, le second vin du domaine portait le nom de : Carruades de château Lafite †.
Nom du second vin jusqu'en 1967.
Entre le millésime 1967 et le millésime 1973, le second vin est vendu dans l'appellation Bordeaux supérieur.
Densité moyenne de plantation : 7000 pieds à l'hectare.
De 1974 à 1984, le second vin porte le nom de Moulin des Carruades (auparavant, ce nom était une marque exclusive de Nicolas jusqu'en 1973).
Rouge :
Anseillan :
Parcelle de 15 hectares issu de l’ancien cru bourgeois supérieur 1932 racheté en 1970.
Premier millésime : 2018.